Ils s’embrassent,
au pied de la barricade… Se sont
connus en début décembre, un mardi soir. Oksana servait de la soupe à des
manifestants depuis le début de l’après-midi, lorsque cet étudiant du
conservatoire de Lviv, arrivé la veille à Kiev, s’est présenté devant elle.
Trois mois
ont passé et Oksana continue à chaque jour de donner quelques heures pour la “Révolution”.
En sortant du boulot, avant de se
rendre à la Place de l’indépendance (appelée Maidan), elle consulte une page
Facebook énumérant les denrées dont les cantines ont besoin pour nourrir les activistes
: citrons, thé ou café, de la viande. Elle achète ce qu’elle peut, puis passe à la barricade de la rue
Hrushevskoho, saluer Volodymyr, son nouvel amoureux.
Ce mardi
soir où ils se sont rencontrés, se tenait un rassemblement monstre à Maidan. Ils y sont allés ensemble. L’ambiance était
électrisante, l’enthousiasme
palpable et il y avait un je-ne-sais-quoi d’aphrodisiaque
dans l’air, témoignent les observateurs.
Semaines exceptionnelles
de mobilisation pendant lesquelles la population de Kiev a orné la Place de
l’indépendance de décorations de Noel et érigé un immense sapin aux couleurs
des drapeaux ukrainien et européen, le jaune et le bleu.
Le 16
janvier, l’élan de ses citoyens pacifiques devenu un peu trop soutenu et
communicatif aux yeux du président Viktor Ianukovithch, celui-ci affiche ses propres
couleurs. II impose des lois liberticides et relâche ses sbires… Suivent assassinats,
enlèvements, passages à tabac et intimidations. On vise les journalistes et les
activistes. Les internautes remplacent la photo de leur profil Facebook par un
carré noir, en signe de deuil.
Mais Ianoukovitch
échoue à étouffer la mobilisation. À Maidan, le village de tentes déborde maintenant sur le boulevard Krestschatik
. Et à l’ambiance festive des semaines pacifiques, un nouveau Kiev, celui des
carcasses d’autobus calcinés et des barricades renforcies, pousse les Kiéviens à
un résistance créative.
Les
artistes investissent les lieux publics. Un saxophoniste exécute un
blues lancinant sur un amas de cendres.
Non loin, un piano jaune et bleu drapé du drapeau ukrainien résonne la
journée durant de mélodies diverses. Volodymyr vient s’y asseoir souvent. Il
enlève ses gants, garde sa cagoule sur le visage, s’allume une cigarette et joue…
selon ses humeurs. Ça l’apaise et recharge
ses batteries.
Ailleurs, un peintre a installé son chevalet face à une barricade et immortalise cette structure
improvisée et imposante alors qu’un sculpteur irrévérencieux a vissé sur le
socle de la statue de Lénine abattue par des manifestants, un bol de toilette…
doré ! En rappel à celui que
le président Ianoukovitch aurait, soit-disant, fait installer dans une
résidence de fonction dont il a fait son palais personnel, aux frais des
Ukrainiens!
Ianoukovitch est le moteur de la révolte des Ukrainiens. Ils
le qualifient de voyou, de voleur toujours prêt à tirer (à son) profit de toute
situation, incapable de voir à long terme. Les Jeux olympiques sont en cours et
l’impasse dure depuis trois mois. Plutôt que de chercher l’apaisement et des solutions à la
crise, Ianoukovitch la laisse s’enfoncer. Il ignore les manifestants. Ce dimanche 9 février, pour la 12e
semaine consécutice, ceux-ci se rassemblaient à Maidan par dizaines de milliers.
Mais sur les barricades, la
patience commence à s’éroder.
Pendant ce
temps, des milices pro-gouvernementales sont levées avec l’assentiment des
autorités. Les titouchkis, ni armée,
ni police, ni forces spéciales, ce sont des groupes sans règles, sous
l’autorité de personne.. supposément. Des fiers-à-bras souvent recrutés dans
les club sportifs, menaçant les activistes et depuis peu, bravant les barricades
pour attiser les tensions, antagoniser les divisions.
Sous les
projecteurs et devant les micros, Ianoukovitch affirme vouloir poursuivre des
discussions constructives avec l’opposition. Hors d’onde, il met ses unités
anti-terroristes en alerte. Surveillance renforcée dans les aéroports, les
gares et le long des pipelines. Signe, pour l’opposition, que le gouvernement est
sérieusement inquiet.
Jusqu’à
présent, en tant que porte-parole
de l’opposition, Vitali Klitschko, ex-boxeur et chef du parti Oudar, a réussi à
préserver la cohésion au sein de celle-ci, même si pour cela, il a du personnellement
arbitrer en quelques occasions. Ayant mené une carrière internationale, il comprend
le sacrifice de ces jeunes ukrainiens étudiant ou travaillant à l’étranger, rentrés
précipitamment pour défendre leur pays.
Comme beaucoup de leurs compatriotes
ils compromettent leur avenir pour défendre celui de l’Ukraine.
L’opposion maintient
ses exigences : la nomination d’un premier ministre, un remaniement
constitutionnel réduisant les pouvoirs du président ainsi que l’annonce
d’élections anticipées.
Et appelle
la communauté internationale à poser des gestes concrets : sanctionner les
dirigeants corrompus et les voyous, pas l’Ukraine !
L’heure
n’est plus à danser à Maidan.
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